Malaise dans l’inspection, une note confidentielle de l’IGEN

dépêche de Tout Educ
samedi 7 mai 2011

Le métier d’inspecteur pédagogique, celui des IA-IPR, « a subi des évolutions sensibles depuis quelques années » et les entretiens que les inspecteurs généraux ont conduits « confirment un malaise, ou au moins des interrogations sur leur identité professionnelle et leur positionnement dans l’encadrement ». C’est l’un des éléments d’une « note » rédigée par l’inspection générale de l’Education nationale à l’intention du ministre, et que ToutEduc s’est procurée (téléchargeable ici).

Rappelons que les « inspecteurs pédagogiques régionaux » sont également « inspecteurs d’académie ». Mais ne sont-ils pas plus l’un que l’autre ? Ils constatent « un glissement vers des missions plus généralistes d’inspecteur d’académie, faisant moins appel à l’expertise disciplinaire » qui fonde leur identité, ils se sentent d’abord mathématiciens, linguistes ou philosophes. Alors qu’ils se consacraient autrefois à 80% à l’inspection des enseignants, cette tâche ne représente plus qu’un tiers de leur temps et ils vivent « assez mal la primauté de la dimension gestionnaire et ce qu’ils considèrent comme un déni grandissant de la dimension pédagogique, situation qui les affecte au même titre que les enseignants ». Ceux-ci d’ailleurs, parfois « désemparés » par les réformes, manifestent « un grand besoin d’écoute, de dialogue et de reconnaissance, et semblent trouver cela davantage auprès de l’inspecteur que du chef d’établissement.

« Certes on note un rapprochement positif des inspecteurs avec les personnels des services rectoraux (…) qui apprécient leur bonne connaissance du terrain », mais « des » recteurs s’interrogent parfois « sur le niveau d’engagement de certains inspecteurs pédagogiques dans l’accompagnement des réformes », tandis que les inspecteurs « tendent de plus en plus à se positionner en attente de la commande du recteur et ont du mal à anticiper sur le discours à tenir aux enseignants ». Ils ne sont pas « vraiment associés au pilotage pédagogique de l’académie », ils ont « le sentiment d’être informés à retardement, après les établissements parfois, après les IA DSDEN toujours » [la direction des services départementaux de l’Education nationale, DSDEN, est la fonction traditionnelle des inspecteurs d’académie ou IA, ndlr].

Du côté des lycées et collèges, qui ont vu leur autonomie accrue, « les relations entre les inspecteurs et les chefs d’établissement sont à repenser ». Encore faudrait-il « préciser sur quels niveaux du territoire leur action est la plus pertinente » et qu’ils soient « mieux formés à l’évaluation des établissements pour contribuer de manière efficace au dialogue de gestion ».

La note est assortie de nombreuses préconisations dont voici une sélection :
« Les inspecteurs (…) doivent être force de propositions en termes de formation [continue des enseignants], en particulier au niveau des bassins (…) Il leur revient de faire évoluer l’identité professionnelle des enseignants, c’est-à-dire de les aider à associer la transmission des savoirs et des savoir-faire disciplinaires à l’accompagnement des élèves dans leur parcours. »

« La mission conseil aux EPLE doit être développée, en particulier pour mettre en place des dispositifs transversaux, pour encourager les initiatives des professeurs et valider les meilleures innovations, pour aider à identifier les priorités de la politique pédagogique et du plan de formation de l’établissement. »

Les inspecteurs peuvent aussi jouer un rôle « dans le pilotage pédagogique de l’établissement par la production de nouveaux outils », notamment « des indicateurs de résultats des élèves qui, au-delà de l’opacité d’une moyenne sur 20, montrent clairement le niveau des acquis dans les domaines de compétence ».

Les recteurs doivent « hiérarchiser les missions données chaque année aux inspecteurs » et développer les « inspecteurs référents de bassins ».
Les auteurs de la note insistent sur un point, qui, bien qu’il ne conclue pas la liste des préconisations, est manifestement importante pour eux : « la liberté de conscience et la loyauté peuvent très bien cohabiter si la première a pu s’exprimer en amont des décisions qui engagent la seconde ».

Source : ToutEduc, le 6 mai 2011 – avec l’autorisation de l’auteur (Pascal Bouchard)