A l’occasion des réunions de rentrée, nos représentants académiques se sont exprimés en direction des recteurs. Vous trouverez ci-après la trame type de leurs déclarations qui ont bien entendu été adaptées en fonction des contextes locaux.

Mme la rectrice (M. le recteur), Mesdames et Messieurs les directeurs académiques, Mesdames et Messieurs les personnels d’encadrement, Chères et chers collègues,

Après une année scolaire marquée par l’instabilité du pilotage de notre ministère, conséquence de la valse des ministres et de leurs équipes rapprochées, nous nous retrouvons aujourd’hui dans un contexte tout aussi inédit, celui d’une rentrée confisquée.

C’est en effet la première fois dans l’histoire de notre École que la rentrée s’effectuera sans ministre, ou plus exactement avec une ministre démissionnaire, sans légitimité, mais qui envisage néanmoins de poursuivre, comme si de rien n’était, une politique éducative lourdement sanctionnée dans les urnes après avoir été contestée, depuis un an, par l’ensemble de la communauté éducative, y compris notre syndicat !

Alors que nous attendons la nomination d’un gouvernement qui mettra fin – notamment – au train de mesures du « choc des savoirs », les personnels d’encadrement se trouvent placés dans une posture pour le moins inconfortable.

En effet, que dire dans les prochains jours à nos équipes ? Que rien ne change, au risque de devoir nous contredire dans quelques semaines… ou quelques jours ? Nous avons trop souffert ces dernières années de ces revirements que nous devons expliquer à des auditoires parfois goguenards, parfois agressifs à juste raison, cela suffit !

Ou alors, devons-nous nous taire et attendre puisque, nous représentons un État qui n’est plus gouverné ?

Ou devons-nous plutôt répondre avec franchise et selon nos convictions, au risque d’être accusés de déloyauté ?

Tout cela relève d’une grande violence institutionnelle à notre égard et ne présage rien de bon pour les conditions d’exercice de nos missions dans les semaines et les mois à venir.

Aussi, sur des sujets sensibles tels que les groupes de niveau, les évaluations nationales, ou encore la réforme du lycée professionnel, nous invitons tous nos collègues à ne pas s’engager plus avant dans la mise en œuvre, tant que le pilotage du ministère sera assuré par des équipes démissionnaires dont les orientations sont clairement caduques.

Lors de nos échanges avec le ministère au cours du mois de juillet, nous avons alerté sur le fait qu’obérer les marges de manœuvres d’un futur exécutif en prenant des décisions fermes concernant la mise en œuvre des réforme prévues pour l’année à venir constituerait une politique du « fait accompli » qui n’aurait rien à voir avec une supposée continuité de l’État mais qui aurait tout du déni de démocratie. Nous constatons hélas aujourd’hui que cette politique du fait accompli que nous redoutions a bien été mise en œuvre et nous considérons que notre éthique professionnelle ne nous permet pas de nous y associer.

Pourtant et pour ne prendre que deux exemples :

– A l’école élémentaire comme au collège, les évaluations nationales seront déployées en début d’année pour chaque niveau scolaire. Pour rappel, elles n’évaluent qu’une partie des compétences et uniquement en français et en mathématiques.  Ainsi le pilotage des circonscriptions et l’évaluation des personnels s’appuient désormais presque exclusivement sur quelques compétences des élèves ignorant les domaines scientifiques, artistiques, physiques, l’exploration du monde et le devenir élève, ignorant également l’hétérogénéité des situations d’école que seul l’inspecteur de circonscription connait précisément.

– La démarche de labellisation des manuels scolaires, ouverte pour les manuels de CP et de CE1 en lecture aura pour effet d’imposer des démarches et d’en exclure d’autres niant ainsi la liberté pédagogique des enseignants.

Au-delà de la mise en œuvre problématique des nouveaux dispositifs (et notamment de ceux issus du supposé « choc des savoirs »), la poursuite d’un certain nombre de dispositifs tout aussi contestés ne va pas, non plus, sans poser de problèmes.

Je ne citerai que quelques exemples parmi d’autres :

  • La mise en place du dispositif « Notre École Faisons La Ensemble » dans le cadre du CNR a eu un impact considérable sur le travail des corps d’inspection qui ont dû ajouter à un emploi du temps déjà surchargé, l’information des équipes mais aussi l’accompagnement et le suivi des projets dans une urgence découlant davantage d’une logique « d’affichage» et de « nombre » que d’une logique de qualité. Ainsi, les critères que l’on nous a proposés pour justifier des avis favorables ou défavorables ont pu varier au gré des enveloppes budgétaires à distribuer sans cohérence pédagogique particulière.
  • Les réformes engagées au collège avec la mise en place de la 26ème heure, qui, même si l’on peut voir un intérêt à l’idée de ce travail partagé entre professeurs des écoles et professeurs des collèges pour la réussite des élèves de cycle 3, se heurtent à des difficultés d’organisation majeures dans les territoires.
  • Il en est de même pour la réforme du lycée professionnel qui s’engage malgré l’opposition des principaux concernés face à des décisions prises sans tenir compte de l’expertise des corps d’inspection qui alertent sur l’impact désastreux de ce projet.  Celui-ci est un renoncement à l’ambition de la nation pour ses jeunes issus majoritairement des classes populaires, cumulant difficultés sociales et scolaires, avec des besoins éducatifs particuliers, ou en situation de handicap. Il les asservit aux seuls besoins immédiats des entreprises. Nous tenons à redire ici que le lycée professionnel est et doit rester un formidable outil de démocratisation scolaire, de promotion sociale, de formation citoyenne et d’élévation des niveaux de qualifications et d’insertion professionnelle. C’est ce double mouvement qui en fait sa richesse et sa force.
  • Enfin, nous ne pouvons pas ne pas parler du PACTE… Le déploiement s’est fait à marche forcée sur la base de documents sans valeur réglementaire : dossier de presse, diaporamas projetés lors de réunions convoquées dans la précipitation… Pourtant, aucune situation d’urgence ne justifiait un tel empressement. Le calendrier imposé n’a pas permis un travail serein et sérieux des inspecteurs et inspectrices en concertation avec les directeurs et directrices d’écoles. Encore une fois, il semble que l’affichage du nombre de « pactes » déployés compte davantage que la pertinence du dispositif ! Une note récente de la DEPP montre bien, d’ailleurs, que le déploiement du PACTE, dans le secondaire, a été inégal et globalement faible (moins d’un quart des professeurs de l’enseignement public !), sachant que même là où des « pactes » ont été signés, ils sont le plus souvent venus rémunérer des taches déjà effectuées auparavant, de sorte qu’ils ont davantage constitué un effet d’aubaine financier qu’un levier pour une éventuelle évolution des pratiques. Dans ces conditions, pour les collègues IEN, la prime promise ne compensera ni le temps passé sur ce dispositif, ni le sentiment négatif généré par cette manière de le déployer.

Par ailleurs Mme la rectrice (Monsieur le recteur), et sur un aspect plus corporatiste, vous aurez dans quelques semaines et pour la première fois, à vous prononcer sur le montant individualisé de notre complément indemnitaire annuel. Je tiens à vous rappeler, que le niveau d’engagement de l’ENSEMBLE des collègues inspecteurs est incontestable. Nos agendas à TOUS sont pleins à craquer, notre charge de travail à TOUS explose, souvent au sacrifice de nos vies personnelles et de notre santé. Alors que nous sommes TOUS la tête sous l’eau, la mise en œuvre d’un salaire au mérite avec l’introduction d’un complément indemnitaire annuel individualisé est un très mauvais signal. Aussi, nous tenons à rappeler ici que le SUI-FSU défend l’idée d’un CIA le plus égalitaire possible dont nous réclamons que le montant plancher soit garanti par périodes de trois ans, sans toutefois être figé pour permettre son éventuelle augmentation, pour le cas où les enveloppes globales augmenteraient d’une année sur l’autre.

De manière plus générale, pour rappel, le SUI-FSU porte dans ses mandats, la suppression pure et simple du régime indemnitaire et son transfert total en points d’indice et donc son intégration dans le calcul de nos pensions.

Mme la rectrice (Monsieur le recteur), les corps d’inspection sont engagés dans leurs missions et mettent toutes leurs connaissances, leurs compétences et leur expertise au service de l’institution. C’est un métier qui nécessite engagement et sens des responsabilités et nos collègues l’exercent avec conviction jusqu’à mettre parfois en péril l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle face à des exigences toujours croissantes. Ils attendent aujourd’hui la considération de leurs hiérarchies et l’écoute de leurs analyses et besoins, au service de la mise en œuvre d’une politique éducative qui permette enfin réellement la réussite de tous les élèves !

Je vous remercie.