Lutter avec détermination contre la dégradation des conditions de travail des personnels de l’Éducation nationale.

Communiqué du 4 octobre 2019

Lutter pour permettre à chacun de reconstruire le sens de son travail

Sur le site de l’Institut de Recherches de la FSU
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En choisissant de se donner la mort sur son lieu de travail et d’en écrire publiquement les motifs, Christine Renon, directrice d’école, a voulu poser la question du travail de la façon la plus tragique, la plus cinglante qui soit. Elle fait le récit d’une vie ordinaire où les finalités de son activité professionnelle sont submergées par la pression des demandes et l’insuffisance des moyens au point que le sens même de cette activité finisse par se perdre.
Comme à chaque fois que le suicide se lie intimement à la souffrance au travail, d’aucuns chercheront quelque explication dans une fatalité économique ou sociale, dans une fragilité psychologique, dans la difficulté présumée à s’adapter aux évolutions mais nous savons bien que les raisons véritables sont ailleurs, dans une gouvernance du travail qui cherche en permanence à astreindre l’activité humaine à des pressions de rentabilité, à des obsessions de normalisation, parfois même à d’inutiles tracasseries.
Et tout cela dans l’ignorance de la réalité quotidienne de souffrance et d’incompréhension que ces impératifs produisent.
Mais aucune fatalité économique ou sociale ne doit nous contraindre à accepter cela, à considérer l’aliénation comme un sort regrettable mais incontournable !
C’est pourquoi nous devons lutter pour permettre à chacun de reconstruire le sens de son travail. Et cela signifie à la fois lui permettre de s’en approprier les exigences, celles dictées par les finalités de l’intérêt général ; lui permettre de concevoir, fort de son expertise professionnelle, les modalités par lesquelles il met en œuvre son activité ; lui permettre de construire, par le collectif de travail, les solidarités de réflexion et d’action qui permettent la résolution des problèmes.
Et tout cela en considérant comme impératifs premiers de la gouvernance du travail, le respect de chacun, le droit à sa dignité et la reconnaissance de sa contribution au bien commun.
Paul Devin

Ne pas se contenter d’une expression de tristesse et de compassion…

Sur le site de Mediapart
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Ce que nous demande Christine Renon, au travers de la lettre qu’elle écrit avant de se donner la mort, ne pourra se contenter d’une expression de tristesse et de compassion. Ce qu’elle nous demande, c’est d’entendre la souffrance quotidienne de ceux qui travaillent dans l’Éducation nationale. Une souffrance de la vie ordinaire, inscrite dans une multitude de faits que l’examen individuel pourrait considérer comme insignifiants mais dont la reconduction, l’accumulation, la persistance finissent par épuiser les personnes et par vider l’activité professionnelle de son sens, de sa finalité. Qui pourrait trouver indéfiniment l’énergie de répondre à des demandes incessantes quand il ne perçoit plus que ces demandes sont au service de ses élèves ? Occupée toute la journée à une multitude de tâches mais ayant l’impression, le soir, de ne pas savoir ce que l’on a fait, nous dit Christine Renon.
Les discours communs fustigent le fonctionnaire en ressassant les préjugés de ses privilèges, de son inutilité, de son manque d’efficacité et de son coût. La   respectueuse considération dont bénéficiaient les enseignants cède désormais trop souvent le pas à une remise en doute systématique de leur travail. Dans un contexte où la dégradation économique et sociale de la vie quotidienne submerge les familles de graves difficultés et que, dans bien des quartiers, il n’y a guère d’autre porte où frapper que celle de l’école, c’est à l’expression parfois violente du mal-être auquel les personnels doivent faire face. Les directrices et les directeurs sont aux premières loges et trop souvent, ils s’y sentent bien seuls.
La vision technocratique d’un management obsédé par la mesure et le contrôle submerge les directrices et directeurs de procédures, d’enquêtes, de dispositifs sans jamais s’interroger sur ce que représente, dans la réalité de leur temps de travail, l’accumulation de demandes parfois disparates ou inutilement associées à des pressions d’urgence. La simplification des procédures administratives annoncée à plusieurs reprises n’a guère eu d’incidences perceptibles. Protester contre cela vaut parfois de se voir renvoyer une mise en doute de sa loyauté …
La demande sociale de réussite scolaire pour tous les élèves, quelles que soient leurs difficultés, est une ambition nécessaire mais, à défaut de la soutenir par des moyens suffisants, elle confronte les personnels à des difficultés parfois insurmontables et toujours éprouvantes. Cela fait pourtant longtemps que nous manifestons de vives inquiétudes sur les graves conséquences psychosociales de ces situations sans être véritablement entendus! Et comment celui qui vit cela, dans la difficulté quotidienne, pourrait-il recevoir sereinement les annonces d’une communication institutionnelle qui ne cesse de répéter que les problèmes sont résolus ?
La lettre de Christine Renon dénonce le profond dysfonctionnement dont elle est victime mais elle est habitée d’un profond respect de tous ceux avec qui elle travaille.
Elle témoigne de la place essentielle qu’avait son métier dans sa vie, comme pour tant de ses collègues.
Elle nous appelle à ce que soit donné au respect du travail de chacun, la part essentielle qui lui est due parce que nous contribuons toutes et tous à servir l’intérêt général.
Elle nous appelle à lutter, dans l’action construite et réfléchie collectivement, pour alerter de la dégradation des conditions de travail.
Elle nous appelle à lutter pour exiger de notre employeur l’exercice de son devoir de protection de ses personnels.
Elle nous appelle à lutter pour l’attribution des moyens nécessaires à l’exercice de nos fonctions pour que chacune et chacun de nos élèves puisse accéder aux savoirs et à la culture commune.
Paul Devin

Communiqué de Presse FSU
Les Lilas, 1er octobre 2019

Suicide de Christine Renon : hommage de la FSU

La FSU présente ses condoléances à la famille et aux proches de Christine Renon. Elle apporte tout son soutien aux personnels touchés par ce drame.

L’émotion est immense dans l’ensemble de la communauté éducative. Cet acte de notre collègue pose aussi beaucoup de questions sur les conditions de travail des enseignant·es, des directeurs et directrices d’école et plus généralement des personnels présents au quotidien dans les écoles et les établissements, sur la perte de sens des métiers. Des sujets sur lesquels la FSU alerte depuis longtemps que ce soit dans l’Éducation nationale, notamment par des alertes au CHSCT-MEN sur les réformes en cours, comme dans toute la Fonction publique.
Le ministère de l’Éducation nationale doit prendre toute la mesure de la situation et apporter son soutien aux agent·es. Des réponses doivent être rapidement apportées pour entendre la souffrance au travail des personnels, garantir un meilleur fonctionnement de l’École, la santé, la sécurité et le bien-être au travail de l’ensemble de ses personnels de l’Éducation nationale.
La FSU appelle les personnels à s’associer aux hommages en l’honneur de Christine Renon, en particulier le 3 octobre prochain et soutient toutes les initiatives dans la recherche de l’unité la plus large.

3 octobre 2019

Déclaration CTMEN

Elle s’appelait Christine Renon, elle avait 58 ans était directrice d’école à Pantin, et aimait son travail. Depuis 30 ans au service de l’Éducationnationale elle s’est engagée, a donné son énergie, son temps jusqu’à l’épuisement. Elle a mis fin à ses jours, un samedi, dans son école, en laissant une lettre bouleversante, qui ne souffre d’aucune ambiguïté, dénonçant ses conditions de travail. Christine Renon était en souffrance professionnelle. Elle raconte fort bien les injonctions contradictoires, les tâches parcellaires, dénuées de sens qui détournent de la mission première de la direction d’école : animer et coordonner une équipe. Elle décrit un quotidien fait de tracas, du manque d’outils, et surtout d’isolement.

Ce n’est hélas ni le premier, ni le dernier suicide d’un personnel de l’Éducation nationale. Il a eu lieu dans l’enceinte scolaire, il est indéniablement lié au travail, aux conditions d’exercice des missions, au climat scolaire.

Le suicide et le courrier de Christine Renon suscite un émoi bien au-delà de Pantin, de la Seine-Saint-Denis, et des directeurs et directrices d’école. Alors que la pétition « plus jamais ça » frôle les 100 000 signatures, ce sont en réalité toutes les catégories professionnelles de notre ministère qui se sentent concernées. Des collègues nombreux et nombreuses, de tous nos métiers, nous racontent la fatigue, voire l’épuisement professionnel résultant de l’augmentation de la charge de travail, de la difficulté des conditions d’exercice, d’un sentiment de dépossession de son métier, d’être contraint et contrainte à mal faire son travail.

La FSU, l’UNSA-Education, le Sgen-CFDT, la CGT et Solidaires demandent des actes forts, des décisions rapides et concrètes non seulement pour la direction d’école et pour le premier degré, mais aussi pour tous les personnels :

  • directeurs et directrices ont besoin de temps pour assurer leurs missions auprès du public et de l’équipe dans les écoles, il faut davantage de décharge de direction, un remplacement effectif des directeurs et directrices sans décharge pour que les jours de direction ne soient plus un leurre, il faut limiter drastiquement les sollicitations faites aux directeurs et directrices pour que cesse la taylorisation de leur travail
  • enseignant.es sont expert.es de leurs métiers, il faut sortir d’un pilotage injonctif ;
  • les remplacements doivent être assurés ;
  • des postes doivent être créés et pourvus par des titulaires pour que l’intensification du travail cesse et que le travail reprenne sens pour toutes et tous ;
  • une réelle médecine du travail et de prévention doit se déployer ;
  • l’analyse des suicides déjà réclamée collectivement en CHS-CT MEN doit enfin voir le jour : l’analyse de la prévalence des suicides et des congés maladies au prisme des conditions de travail doit servir à construire une réelle politique de prévention des risques psychosociaux pour tous les personnels.

Monsieur le ministre, Monsieur le DGRH, Madame la secrétaire générale, nous attendons, les personnels attendent des décisions à la hauteur des enjeux afin que la confiance n’apparaisse pas comme un vain mot. Nous souhaitons aussi vous remettre le texte intersyndical élaboré par les militantes et militants de Seine-Saint-Denis.