Les discours gouvernementaux, même les plus habiles, ne parviendront pas à convaincre qu’on puisse améliorer le service public d’éducation en recourant davantage aux contractuels précaires et non formés !
Mediapart, 30/10/2018

Le recours accru aux contractuels constituera donc un des axes d’une politique de l’action publique qui permettra, si l’on en croit le discours gouvernemental et les annonces du premier ministre, à la fois la réduction de la dépense publique et l’amélioration de l’action de l’Etat.  Mais les meilleures habiletés rhétoriques auront de la peine à convaincre qu’on puisse améliorer le service public d’éducation en recourant davantage aux contractuels précaires et non formés.

Précarité de l’emploi

Que des mesures aient pu être prises ou soient envisagées pour améliorer la situation des contractuels, elle n’en reste pas moins précaire : logiques très irrégulières de renouvellement des contrats, délais de paiement des salaires, contrats à temps incomplet non-choisis, …
Si la précarité de l’emploi est tout d’abord inacceptable pour le contractuel, elle est aussi préoccupante pour la qualité du service public. Comment pourrait-on en effet concevoir une professionnalisation sans une perspective d’emploi à long terme ? Comment peut se construire l’exigence d’une activité professionnelle et les engagements qui permettent de la construire dans un contexte de fragilité qui ne permet pas de se projeter dans l’avenir ?
Une telle fragilité modifie la nature des relations hiérarchiques, créant une dépendance absolue qui ne peut être compatible avec les choix fondamentaux fait depuis la seconde guerre mondiale pour la fonction publique : ceux d’une dialectique entre la mise en œuvre d’une politique nationale et la liberté responsable du fonctionnaire qui reste la garantie que la fonction publique ne puisse être instrumentalisée par des finalités politiciennes peu compatibles avec l’intérêt général.

Compétence professionnelle

Un des axes incontournables de l’amélioration qualitative du service public est celui du développement de la compétence professionnelle. Le contrat est loin d’être un cadre favorable à ce développement. Parfois la pression créée par un manque patent d’enseignants ne permet pas de mettre en œuvre des exigences suffisantes de recrutement : il en résulte que des personnes sont chargées d’enseignement alors qu’elles ne disposent pas des compétences suffisantes.
Il arrive même que ce soit la maîtrise même des contenus d’enseignement qui soit insuffisante. Qui pourrait croire qu’il soit possible dans une telle situation de garantir une amélioration qualitative du service public ? D’autant que ces contractuels ne bénéficieront pas, faute de moyens suffisants, de formations capables de faire évoluer cette situation. Quant aux questions liées aux relations pédagogiques ou au climat de travail en classe, là encore, les moyens font défaut pour accompagner ces collègues et leur permettre d’engager le travail réflexif nécessaire pour améliorer la situation.

Bien sûr des initiatives sont tentées, témoignant de l’implication des formateurs mais elles cèdent rapidement faute de moyens spécifiques.Il faut bien comprendre que ces propos ne constituent pas un jugement qualitatif porté à l’aune des situations personnelles, qu’il s’agisse des personnels chargés du recrutement ou de l’accompagnement ou des contractuels eux-mêmes mais de la dénonciation d’un choix politique et de ses conséquences structurelles. La pression du manque de personnel contraint à une urgence de recrutement contractuel qui n’est pas compatible avec les exigences qui seraient nécessaires.

Instabilité des équipes

Une autre dimension problématique du recrutement des contractuels est liée à une mobilité souvent élevée. Là encore, difficile de nous faire croire qu’il en ressortira une amélioration qualitative d’autant que l’on sait que bien des questions éducatives sont dépendantes de la stabilité des équipes. Qui pourrait imaginer mieux lutter contre les violences scolaires en fragilisant cette stabilité ? L’extension du statut de contractuel est loin d’être une mesure favorable à la pacification du climat scolaire !

Injustice

Enfin, le recours aux contractuels ne se distribue pas aléatoirement. La récente étude du CNESCO sur les inégalités territoriales a bien montré que le recours aux contractuels était largement plus important dans les collèges des quartiers défavorisés. Là aussi, il nous sera difficile de croire que la volonté de justice sociale proclamée par le ministre de l’Éducation nationale puisse se fonder sur un développement du recours aux contractuels.

En réalité, cette politique de réforme obsédée par l’efficacité comptable et la diminution de l’investissement de l’État dans les services publics, continuera à dégrader la qualité du service public d’éducation et cela, au mépris de toute justice sociale et de toute équité, sur le dos des populations les plus pauvres.

Communiqué FSU, 30/10/2018
Le Premier ministre a annoncé, lors du Citp, sa volonté de pousser vers le privé nombre de fonctionnaires et confirmé sa volonté de recourir au recrutement par contrat. Le Ministre de l’action et des comptes publics en a lui annoncé les conditions à la presse. Ces mesures visent à permettre des réorganisations de services liées aux suppressions des 120 000 emplois « promis » par le Président de la République.
Et le gouvernement a dévoilé aujourd’hui son projet de nouvelle architecture des rémunérations des agent-es de la Fonction publique visant à mettre en place un salaire au mérite ! Un système aléatoire, discriminant et totalement entre les mains des employeurs sans réel dialogue social.

Le gouvernement a visiblement décidé d’en finir avec la Fonction publique !

La FSU dénonce ces mesures. Elles sont à l’extrême inverse du travail engagé avec le protocole PPCR qu’il aurait fallu prolonger pour faire des déroulements de carrière et de la revalorisation indiciaire (intégrant une part des primes), la colonne vertébrale des rémunérations de toutes et tous les agent-es de la Fonction publique.

Décidément la Fonction publique s’éloigne de plus en plus de ses principes et de son sens définit par l’intérêt général.

Cela est d’autant plus préjudiciable que ces mesures n’amélioreront ni la situation des agent-es ni le bon fonctionnement des services.

La FSU demande au gouvernement d’entendre les désaccords qui s’expriment et d’ouvrir des discussions portant sur le recrutement de fonctionnaires, la revalorisation salariale de toutes et tous les agent-es, le développement de la formation et de l’accompagnement des agent-es.

Elle informe largement les personnels de la situation pour préparer les conditions du refus de ces mesures.

Paul Devin dans Libération, 30/10/2018

Lire sur le site de Libération