Direction d’école et écoles publiques : quels statuts ?

Le 17 mars 2010, le Premier Ministre confiait une mission au député Frédéric Reiss au titre de l’article LO 144 du Code électoral. Il s’agissait pour celui-ci de présenter des propositions concernant la direction d’école et l’ouverture d’options possibles pour le statut des écoles maternelles et élémentaires. Trois perspectives étaient dessinées : un statut pour les écoles de grande taille, un statut pour des regroupements d’école en milieu rural et une solution spécifique pour les écoles et collèges qui pourraient être constitués en « écoles du socle commun ». Le député devait rendre son rapport au cours du mois de septembre 2010. Consulté par le député Reiss en juin 2010, le SNPI-FSU a apporté sa contribution.

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Audition par le député Frédéric Reiss — 8 juin 2010
Missionné par le Premier Ministre François Fillon en mars 2010, le député UMP F. Reiss a invité le SNPI-FSU à lui présenter son point de vue sur les deux sujets qu’il instruit : le statut des directeurs d’école et le statut des écoles publiques. La délégation du SNPI-FSU était composée de Michel Gonnet, secrétaire général, et de Dominique Momiron, secrétaire général adjoint.

Quelle est l’analyse du SNPI-FSU ?

Si l’organisation de notre système scolaire public du premier degré a toujours prévu qu’un directeur veille à la bonne marche des écoles, le statut juridique de ces établissements ainsi que le statut professionnel des directeurs n’ont guère évolué depuis un siècle et demi.

L’école primaire publique est une entité fonctionnelle sans véritable personnalité juridique. Cette entité fonctionnelle relève de la responsabilité partagée entre deux partenaires politiques publics : d’une part la commune, propriétaire des locaux et chargée du financement et de l’organisation du fonctionnement matériel, et d’autre part l’État, responsable des contenus d’enseignement et des enseignants appartenant à la fonction publique de l’État. La seule existence juridique actuelle de l’école s’incarne dans son Conseil d’école tel qu’en dispose le Code de l’Éducation. Cet organe juridique est composé de manière inégale de deuxcatégories de membres. Les membres de droit : tous les enseignants de l’école, deux représentants de la commune et un DDEN. Puis les membres élus qui constituent le comité des parents de l’école. La réglementation dispose que l’autorité hiérarchique directe en la personne de l’inspecteur chargé de la circonscription assiste de droit aux séances du conseil, mais il n’est pas inclus dans la liste de ses membres. Les compétences de ce conseil demeurent modestes : il s’agit essentiellement de donner des avis, de faire des propositions, d’adopter le règlement intérieur et le projet d’école, ces deux deniers étant étroitement encadrés par les normes nationales en la matière et soumis à la validation par le seul chef de service direct de l’école primaire : l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’Éducation nationale.

Le directeur d’école est actuellement encadré pour son statut fonctionnel et ses compétences par un décret de février1989 qui n’a guère évolué. Sur le plan du statut professionnel, c’est d’abord et essentiellement un enseignant du premier degré, instituteur ou professeur des écoles. Les fonctions de direction qui lui sont attribuées par le décret de 1989, mais aussi par quelques textes épars, relèvent des domaines suivants : organisation de l’école, suivi des élèves, veille de la sécurité, communication et représentation avec les acteurs et partenaires de l’école, formation des directeurs, contribution à l’embauche de certaines catégories de personnels. D’un point de vue strictement juridique*, le directeur d’école peut pourtant être considéré comme le supérieur hiérarchique direct des enseignants de son école puisque ses fonctions lui donnent compétence pour organiser les services et délivrer des instructions. Mais il ne dispose d’aucune autorité disciplinaire ni d’aucune compétence de nomination ou d’évaluation, même de manière indirecte. Il est donc d’usage dans la communauté scolaire d’affirmer que le directeur d’école n’est pas un supérieur hiérarchique, car il n’a aucun pouvoir de coercition.
* Décision du Conseil d’État du 15 mai 2006 – n° 278544

Quels sont les problèmes liés à cette situation ?

Dans l’ensemble, on peut se réjouir de constater chaque année que les écoles primaires fonctionnent de manière encore très correcte malgré les bouleversements politiques et les évolutions sociologiques et culturelles qui jalonnent la vie de la société française. On doit néanmoins reconnaître certains problèmes récurrents depuis quelques décennies.

Cela s’est notamment manifesté par une longue grève administrative dont les séquelles ne sont pas estompées. L’expression majeure de l’un de ces problèmes a été la désaffection des enseignants expérimentés pour la fonction de direction d’école. Depuis plusieurs années, une proportion non négligeable de directions sans titulaires on été attribuées à de très jeunes enseignants plus ou moins volontaires.

Sans conteste, l’origine de ce symptôme tient en deux traits. D’une part, l’État n’a cessé depuis deux décennies d’accumuler les tâches d’administration et les responsabilités fonctionnelles sur les directeurs d’école. D’autre part, l’octroi de moyens matériels et moraux pour leur permettre de faire face à cet afflux n’a cessé d’être battu en brèche par les contingences budgétaires et sociologiques. On a fait des directeurs d’école des factotums sans reconnaissance morale, des responsables sans pouvoir, des courroies de transmission sans moyens.

L’autre problème fonctionnel de l’école primaire tient à l’accroissement de l’inégalité des moyens dont elle dispose sur le territoire selon la richesse et la volonté politique des communes de tutelle, selon l’isolement géographique et les dynamiques démographiques locales. L’invention des RPI a en partie essayé de répondre à cette problématique matérielle et pédagogique. Mais cette réponse ne repose pas sur un cadre juridique clair et réfléchi pour faire face à tous les éléments de la problématique.

Enfin, le problème essentiel qui mine actuellement nos écoles est la perte de confiance envers le système. Depuis trop longtemps, la communication politique s’est appuyée sur une remise en cause de la qualité de cette école. Ce travail de sape a accompagné depuis 2007 des réformes traumatisantes pour les enseignants. Il y a là un un fait que tout inspecteur lucide et honnête ne peut que constater sur le terrain. La sérénité et la confiance font cruellement défaut.

Ce que souhaite le SNPI-FSU

Répondre aux besoins et se garder des chimères idéologiques en vogue

Le SNPI-FSU souhaite que les directeurs d’école soient clairement reconnus pour la valeur de leurs missions fonctionnelles. Si le décret de 1989 doit être actualisé pour que les missions et compétences des directeurs soient clarifiées, il n’est pas besoin de créer un corps de directeurs des écoles ni de donner aux directeurs d’école un pouvoir disciplinaire ou d’évaluation sur les enseignants de leur école. En revanche, deux dispositions doivent être développées prioritairement. D’une part, augmenter le temps de décharge et doter chaque directeur d’école d’un assistant administratif à temps partiel ou complet pour le seconder. D’autre part, respecter le temps nécessaire à une vraie formation initiale et instaurer une formation continue permanente pour la direction d’école.

La création d’EPEP — dans le contexte actuel et compte tenu des tendances idéologiques qui ont prévalu jusque-là dans ce domaine — ne fera qu’ébranler de manière très dangereuse notre école primaire actuellement en état de sidération à la suite de la révolution scolaire qui lui est imposée depuis 2008. De même, l’attribution d’écoles primaires à des collèges déresponsabiliserait les enseignants très investis de nos écoles. En revanche, l’État devrait dans l’immédiat clarifier deux champs qui entrent partiellement en résonance : les dépenses obligatoires des communes pour le fonctionnement des écoles publiques, et le cadre juridique des RPI et réseaux ruraux.

Les directeurs doivent être confortés dans leur positionnement de partenaire principal de l’inspecteur chargé de circonscription. La valeur de ce partenariat a fait ses preuves depuis des lustres. Il serait préjudiciable à l’école de transformer les IEN CCPD en super-chefs d’établissements multi-sites. De même il serait risqué de faire des directeurs d’école des chefs d’établissement d’abord politiques et gestionnaires sur le mode de l’entreprise de production de biens ou de services. L’école est une institution de la république qui porte en elle son histoire et ses vertus propres. On ne peut l’ébranler sans faire courir un risque majeur à son efficacité sociale et culturelle qui tient en grande partie sur un équilibre fragile né de plus d’un siècle de pratique républicaine.

Direction d’école et écoles publiques : quels statuts ?